
CE N’EST PAR POUR MOI – extrait de la vidéo de présentation du NORSEMAN :
« Ce n’est pas pour vous. Rien de personnel, mais ce n’est pas pour vous. C’est pour les gens combatifs, résilients et dotés d’un mental plus fort que leur corps. »
Poursuivre ses rêves…
J’ai débuté le triathlon en 2000. Après 3 triathlons distance IRONMAN (ROTH 2007, ROTH 2010, EMBRUN 2013) je me cherche un nouvel objectif. EMBRUN a longtemps eu la réputation du triathlon le plus dur. Mais depuis d’autres ont été créés.
En 2013, le NORSEMAN est créé notamment par Bent Olav Olsen. En 2015, Canal+ diffuse l’Enfer du Norse, et là c’est le choc visuel et sportif, le froid dans l’eau et au dehors, le vent, la pluie et le dénivelé. Faire le NORSEMAN me semble hors de porté. Il l’est d’autant plus qu’il faut se soumettre à un tirage au sort qui regroupe selon les années entre 6000 et 8000 prétendants pour seulement 125 places, avec des quotas par nation qui réduit à 15 français max le nombre de participants.
Poursuivre une chimère….
En 2016, création de l’ALPSMAN à Annecy. Petit frère français du NORSEMAN avec la fraicheur en moins. Je m’inscris à la 2ème édition en 2017. Je rencontre Marc SAUVEPLANE au stage de reconnaissance. Il prépare le NORSEMAN 2017. Nous resterons en contact toutes ces années. Merci Marc pour tes conseils et ta gentillesse.
Je termine deux fois l’ALPSMAN en tant que lake finisher 2017 et 2024 et un IRONMAN NICE 2019 (IRONJUW) ? Au total 6 triathlons distance IRONMAN avec chaque fois de très belles journées souvent partagées avec mes proches. Lors de l’ALPSMAN 2024, J’échoue de peu à sonner la cloche et grimper en haut du Semnoz, la faute à une préparation à pieds trop légère du fait d’un tendon droit sensible. Nous finissons main dans la main avec Christophe DUBOIS et nous nous jurons que c’est le dernier, l’heure de la retraite sur longue distance a sonné.
Arrive octobre et le tirage au sort NORSEMAN 2025. De toute manière ça ne fonctionnera pas….comme depuis les 7 dernières années…..
SEPT….le chiffre porte-bonheur des verseaux… Ce tirage au sort, c’est le 7ème. Et si je suis pris, le NORSEMAN 2025 serait mon 7ème distance IRONMAN. Début Novembre le portable sonne dans mon TER en rentrant du boulot…numéro inconnu….Norvège ! Allo Frédéric ? you are IN THE NORSEMAN 2025 !
OK si ma famille me suit. Sinon je n’en veux pas et je n’y arriverais pas. Anne me dit qu’elle ne se voit pas me refuser ce après quoi je cours depuis 7 ans. C’est un gros sacrifice de sa part. Enchainer une deuxième année de préparation longue distance est impliquant pour l’athlète mais également pour ses proches. Merci et merci !
LA PREPARATION DU NORSEMAN 2025 :
Depuis le temps que je l’attendais, j’ai accumulé pas mal d’informations. Dès novembre je réserve les vols, voitures et les différents logements, car ce triathlon va d’un point A à un point B situé à 226kms. On doit promener tout notre matériel le jour de la course. Il n’y a pas de ravitaillement, c’est notre équipe support (2 personnes max) qui se charge de celui-ci.
L’équipe support sera composée de mon fils Martin et de Jean RIERA. Avec Jean et Christophe DUBOIS nous composons un trinôme à l’entrainement et en course depuis + de 10 ans.
En plus de mon équipe support, je pourrai compter sur une belle équipe de supporters : Anne ma femme, Charlotte ma fille et son amie Juliette, Jef et Marianne mes amis de 35 ans qui me suivent depuis 2013 sur mes triathlons longs.
Je décide de confier mon entrainement à un coach. Frédéric HURLIN a coaché en 2017 Marc SAUVEPLANE sur le NORSEMAN. Sa proposition de planification à base de bloc de 3 semaines de travail + 1 semaine récupération /assimilation et le nombre limité d’athlètes coachés scellent mon choix.
Je ne ferai pas une semaine de stage vélo, mais deux. En avril ce sera Aix en Provence avec Jean RIERA. Merci Sophie et Jean-Luc pour nous permettre d’accéder à votre superbe camp de base. Nous avons eu encore le bonheur de partager des kilomètres avec Nicolas RADDE. En juin c’est le retour sur les magnifiques terres de Christophe LAMANNA et de l’EMBRUNMAN. Merci Christophe pour nous avoir accueilli chez toi. Accompagné par Christophe DUBOIS, nous avons passé une autre magnifique semaine à base de cols à plus de 2 000m et de pizzas napolitano-guillestrines.
En dehors de ces semaines spécifiques à 20-30h d’entrainement, ma semaine type comportait à minima 9 séances pour un volume horaire de 10-15 heures.
Sur une année glissante (08/24 – 08/25) c’est un total de 8530 kms en 480 heures :
- 6750 kilomètres de vélo pour 73500m de dénivelé positif
- 200 kms de natation
- 1050 kms de course à pieds avec 7500m de dénivelé
- 500 kms de ski et de randonnée
Juste après le tirage au sort, je suis contacté par Brice MAILLARD athlète français double black finisher du NORSEMAN qui fait le lien avec l’organisation du NORSEMAN. Il créée et anime un whatsapp avec les athlètes francophone. Nous aurons le droit à 4 visio pour partager les bonnes informations. A cette occasion je me rends compte du niveau très relevé. Personne ne vient au NORSEMAN pour acheter du terrain ou trier les lentilles. Je me dois d’être sérieux et appliqué si je veux avoir une petite chance.
Au final, une très belle préparation sans gros problème. La motivation a toujours été présente. Le 20 juillet je fais ma dernière longue sortie route. Je passe 4h sous une pluie soutenue. C’est un bon test mental, je reste focus, je suis prêt. Il temps de partir en découdre au pays des vikings….mes ancêtres (Le Havre – Normandie Fort et Vert ☺ )!
TRIAHTLETE OU LOGISTICIEN ?

Comme le dit Brice…le premier défi du NORSEMAN est logistique. Il faut tout prévoir, vols, logements, voitures, Valise de transport pour le vélo (merci Bruno MARECHAL) qu’il faut savoir démonter et remonter.
Il faut prévoir et tester les tenues pour les 3 sports. Il est commun de rencontrer les 4 saisons sur la même journée pendant le NORSEMAN. Il faut non seulement préparer le ravitaillement de la course, mais aussi penser à l’alimentation de mon équipe, comment répartir les personnes et les bagages dans les voitures ? Combien d’arrêts sur le vélo et la course à pieds en fonction de la météo ?
Les problématiques et les données s’entrechoquent dans ma tête. Je fais des TODO list dans tous les sens. Il est vraiment temps de partir et de laisser place à l’action après tant de réflexion.
MARDI 29/07 :
Veille de départ. Bouclage des bagages, derniers achats, mise en valise du vélo. Ca doit bien se passer, je l’ai déjà fait il y a un mois. Et bien NON…impossible de desserrer les pédales. 1,2,3 essais…rien n’y fait !
Je me suis promis à moi-même et pour mon équipe que je ne m’énerverais pas. Comme le dit Jean « le premier qui s’énerve a perdu ». J’en appelle à Youtube et je trouve un tuto génial qui décoince mes pédales….
Il n’y a plus que Martin à aller chercher à Orly à 22h. Anne se sacrifie pour que je puisse dormir. Elle ne se doute pas qu’elle se jette dans la gueule du loup des travaux d’été en région parisienne. Partie à 21h elle reviendra à 2h30 du matin. Nous partons à 5h !
MERCREDI 30/07 :
5h du matin nos trois « taxis » de luxe viennent nous chercher. Merci à Maman, Marc et Fred MASSINES. Il nous faut au moins cela pour embarquer 6 personnes, les bagages et le vélo. L’enregistrement me coute mon outil de vélo et 2 cartouche de gaz…je ne m’énerve pas…. L’avion décolle avec 45mn de retard…ne pas s’énerver !!! Allons voir en Norvège si cela se passe mieux ?
Effectivement changement de salle et changement d’ambiance. Les planètes commencent à rejoindre leur alignement. Je réussis à mettre en gardiennage la valise vélo à l’aéroport. La team négocie de plus grandes voitures et nous voilà partis sous un beau soleil et une vingtaine de degrés pour 6h de route. Nous arrivons au Liseth Pensionnat vers 21h. Nous sommes à moins d’un kilomètre de la cascade Voringfossen qui est un des 17 sites remarquables de Norvège. C’est très beau, un peu sauvage et très reposant. Nous sommes au camp de base à J-3 avant le summit push comme dirait des alpinistes…..
Manger….Dodo.

JEUDI 31/07 :
Pas mal de choses à faire. Nous commençons par aller nous défroisser les jambes avec Jean sur 5kms. Les jambes sont légères. Petit déjeuner et regroupement de l’équipe pour descendre à Eidfjord. L’arrivée sur la jetée est chargée d’émotion. Je suis au milieu d’un paysage que je connais par cœur via les photos et les vidéos, MAIS là, c’est moi qui y suit pour de vrai. C’est d’ores et déjà une forme d’aboutissement. Tout l’enjeu est de profiter de l’instant tout en restant concentré sur l’objectif.
Direction le quai pour aller partager le « social swim » animé par l’organisation. L’eau est entre 15 et 17 degrés. Nous plongeons avec Jean. Je vais jusqu’à la bouée qui indiquera samedi le passage au 3000m. Je discute avec un bénévole en kayak, il me prédit une météo clémente et du vent dans le dos sur le vélo. Retour au ponton, les sensations sont excellentes. J’enlève ma combinaison et nous retournons à l’eau avec Jean et Martin pour un moment de partage frais et sympathique. Nous profitons du café offert par l’organisation pour apprendre quelques rudiments de norvégien…ca ne peut pas faire de mal !



Direction le retrait des dossards avec Jean. Briefing en anglais sur les règles importantes par Bent lui-même pendant que nous attendons d’accéder à la salle « d’embarquement ». Dans la salle, nous nous soumettons à la vérification de nos sacs de trail pour la montée du Gaustatoppen. Tout est en ordre, on nous félicite même pour la complétude de ceux-ci. Nous récupérons, les stickers pour la voiture support, la puce et le tracker GPS qui permettra à mon équipe, mes supporters et à la communauté Whatsapp de me suivre en pleine action.
L’après-midi est consacré à la découverte du site de la cascade Voringfossen. Plus de 180 m de hauteur, très beau, très rude…norvégien.
Retour à la maison pour la séquence mécanique de remontage du vélo. Tout fonctionne à vide, je vais pouvoir rouler demain matin pour vérifier en condition réelle. Le temps de préparer l’apéritif (sans alcool) et nous récupérons les deux derniers membres de l’équipe : Marianne et Jef.
Manger….Dodo
VENDREDI 1ER AOUT
Veillé d’armes.
Petit déjeuner et nous partons pour une séance d’une heure de vélo. 10 kilomètres de montée jusqu’à la bascule de Dyranut. Je fais quelques réglages sur les prolongateurs avec Jef pour encore améliorer ma position. Je me fais plaisir en descendant jusqu’à notre camp de base. Les sensations sont encore très bonnes.
L’après-midi retour à Eidfjord pour le briefing athlètes. Projection du film sur le NORSEMAN 2024, histoire de faire monter la pression. Je vois passer dans les yeux d’Anne une ombre d’appréhension. Je sais qu’elle ne sera pas tranquille tant que je n’aurai pas posé le vélo.
18h00 dernier briefing pour l’ensemble de l’équipe. Les prévisions météo sont top avec 15° le matin 23° l’après-midi. La pluie et la fraicheur devraient nous rejoindre dans la montagne. Je n’arrive pas à contenir mon émotion au moment de les remercier d’être là, à mes côtés. Ce n’est pas la même saveur lorsque l’on partage.
21h00 tout est dans les voitures. Direction le dodo car le réveil va sonner à 1h du matin. Il n’est pas rare sur le NORSEMAN que la journée commence à 1h et se termine à 1h le lendemain.
Anne me laisse dormir seul. 15mn avec les jambes en hauteur pour se relaxer et laisser venir le sommeil. Mon rituel depuis l’EMBRUNMAN 2013. Je sens le sommeil venir et les enfants de la cabane voisine qui jouent dehors n’y changeront rien.
SAMEDI 02 AOUT : LA COURSE :
Réveil à 0h52, j’ai bien dormi. J’enchaine la douche, le petit dej classique de matin de course et le collage des stickers bras et jambes. Je mets le nez dehors où je trouve une petite bruine et un air frais (15 degrés) Tout le monde se réveille et s’active tranquillement. Pas de pression excessive, tout était prêt la veille. Il est l’heure de partir, je réunis l’équipe dans l’entrée. Nous nous étreignons et je leur souffle un « jusqu’au bout ensemble » un peu incantatoire et que j’espère également prémonitoire.
2h30 Nous arrivons dans les premiers sur Eidfjord. La bruine s’est arrêtée. Pas de soucis pour se garer contrairement à ma crainte. C’est Brice qui fait la circulation. Nous sortons le vélo et les deux sacs préparés pour l’installation à T1. Direction le parc à vélo.
Tapis derrière le grand hôtel blanc, je devine le ferry enveloppé dans une brume venant du fjord. Nous le longeons pour accéder au parc à vélo. L’impression est irréelle, la brume fantomatique du fjord gagne sur le parc à vélo et ses lumières. Nous avons littéralement le sentiment de nous jeter dans cette brume pour accéder aux contrôles d’entrée du parc à vélo. Tout est ok, on nous accompagne jusqu’à notre emplacement. L’installation des affaires est une formalité et j’ai un peu de temps pour partager des regards, des sourires et des bisous avec les miens. L’ambiance est décontractée, nous sommes prêts.
3h30. Il faut avouer que les minutes passent plus vite. Après avoir enfilé les bottillons et le bas de la combinaison, il est temps de rejoindre le ferry. A l’entrée les mines des athlètes sont plutôt fermées et empruntes de concentration…. Et moi je rigole, c’est noël au mois d’août. Comme un gamin qui a attendu 7 ans pour ouvrir son paquet, je trouve tout joli et sympa. Je m’installe confortablement pour la petite traversée. Je retrouve mes amis belges croisés sur le Champman en mai. Nous discutons jusqu’à ce que l’annonce du capitaine nous ramène à la réalité. Dans 10 mn il ouvre la lance à incendie pour la douche d’acclimatation à la température de l’eau… avant le grand saut.
It’s time to race hard !
La Natation du Norseman:
Je vais sur le pont et passe sous la douche. Je ne trouve pas l’eau trop fraiche. En m’approchant du côté du saut, je constate que le ferry est assez loin de la ligne de départ. C’est plus 400 à 500m que nous avons à parcourir que les 200 à 300m annoncés au briefing. Je décide de sauter 5mn plus tôt. 4h45 let’s go pour le saut. Il y a max 3-4m, bien tenir les lunettes, l’entrée dans l’eau est tranquille et la sensation de frais très raisonnable grâce à mon t-shirt néoprène sans manche avec capuche intégrée que j’ai sous ma combinaison. En rejoignant la ligne de départ, je profite du spectacle magnifique des écharpes de brumes qui enserrent les montagnes dans la lumière naissante du jour.
Nous ne sommes que 255, je vais me placer sans difficulté en 1ère ligne. L’objectif est de sortir du gros du paquet le plus rapidement possible. Le départ est donné avec 5mn de retard du fait de l’éloignement du ferry. La marée est contre nous. Il faut nager le long de la berge pour minimiser l’effet du courant.
Pas de bagarre avec les autres concurrents. Nous trouvons nos espaces respectifs et au bout de 1500m j’ai l’impression de m’extraire du peloton. Respiration à gauche : j’admire le soleil qui donne une teinte orangée aux nuages sur le Fjord. Respiration à droite : la tête des montagnes qui tombent dans le fjord passe au soleil. Je n’aurai rien d’autre à faire, je m’arrêterais pour regarder.
La courbe du fjord nous masque la bouée à virer. Je l’aperçois après 2500 m. 3000m virage à gauche et direction la sortie. Je suis repris par une concurrente qui s’applique à bien chercher la glisse. Nous nous synchronisons et déjà la sortie de l’eau se profile.
Sortie de l’eau rapide, je récupère Jean qui me dit que je suis 78ème. Ma montre m’indique 1h13 ce qui est très correct avec la marée contre. Nous mettons en application nos répétitions sur la transition natation-vélo que nous bouclons en 5-6mn.
Le temps est idéal, mon choix de tenue est bon, je saute sur le vélo, je roule à moitié dans l’herbe pendant que j’entends tous mes supporters donner de la voix. Je me calme…il y a encore beaucoup de planètes à aligner.
Le Parcours Vélo du Norseman :
La météo s’annonce bonne. Nous avons prévu seulement 3 ravitaillements au 36ème, 90ème et 142ème kilomètres. Pour aller au 1er arrêt, échauffement sur 7 kms de plat pour ensuite attaquer la 1ere et plus grosse ascension de 29kms avec 1200m de dénivelé. Je me cale sur 180-220 watts, ça monte tranquille. J’ai programmé mes alarmes sur le compteur vélo pour ne pas avoir à y penser. Toutes les 10mn ça sonne pour boire un coup et toutes les 30mn pour manger un morceau.
Nous empruntons la vieille route désaffectée pour remonter vers le plateau. Elle serpente dans la vallée creusée par les glaciers et l’eau de la cascade. La beauté des lieux n’a d’égale que la rudesse de cet environnement minéral. Nous rejoignons les tunnels de la nouvelle route et débouchons à proximité de la cascade et de notre camp de base. Les jambes tournent bien grâce au bon travail fait en stage. J’arrive au bout de 2h à proximité de Dyranut, le 1er ravitaillement. Je sens que mon ventre n’est pas dans un grand jour. Je constate que je n’ai pas mangé tout ce que j’aurais dû à ce stade. Il va falloir gérer ce facteur car la route est encore longue.
Jef me fait signe que Martin et Jean sont un peu plus loin. Je les reconnais à leur casquette. C’est parti pour un pit stop façon F1. Tout est prêt et ils assurent ! Les bidons sont changés sans que je ne touche à rien, je n’ai qu’à faire ma sélection de produits pour recharger la sacoche. J’entends à côté toute l’équipe qui m’encourage, je reste focus sur les choses à faire, notamment remettre mes manchettes pour attaquer cette partie roulante. J’ai 15mn d’avance sur le plan de marche et je repars en 98ème position.
Le spectacle sur le plateau est magnifique. A gauche au loin nous voyons un glacier, il s’en suit une alternance de steppes rocailleuses et de lacs. Je suis entre 40 et 50kms/h en faux plat descendant avec un léger vent de face et des gros rouleurs me doublent. La mi-parcours approche et les positions se stabilisent. J’entame une partie de manivelles avec un membre du teams Zalaris (sponsor du NORSEMAN). Au 90ème kilomètre nous entrons dans Geilo où nous rattrapons des biathlètes en plein entrainement sur leurs skis-roues. C’est aussi ça la Norvège.
Virage à droite et vent dans le dos pour la seconde partie qui sera rythmée par 4 ascensions. La première me fait un peu mal car il faut se remettre dans le rythme. Je stabilise mon classement et je maintiens le 160ème au-delà de 20mn derrière moi. Les descentes sont plutôt droites et je fais une pointe à 72kms/h tout de même.
Imingfell est la dernière côte. La partie raide fait 7 kms au bout desquels m’attend l’ensemble de mon équipe. Au-delà des trois arrêts prévus, les trois voitures de l’équipe se sont souvent arrêtées pour m’encourager et vérifier que tout se passait bien. A chaque fois, ces piqures d’encouragements m’ont donné des forces.
Le ravitaillement du 142ème est un modèle du genre. Les bidons jaillissent de leur emplacement pendant que pastèque et banane apparaissent comme par magie. Le temps d’optimiser le contenu de la sacoche et je repars après maximum 1m30s d’arrêt. 5mn de retard sur mon plan de marche, autours de la 125ème place et toujours 20 mn d’avance sur le 160ème.
Encore une dizaine de kilomètre avant la grande descente vers T2. Ce bout de plateau qui peut être compliqué je le traverse avec le vent dans le dos. Un gros nuage se profile à l’horizon pour débuter la descente. Je vais en prendre plein la figure….et bien non, il se pousse sur ma droite et me laisse juste une route détrempée pendant 5 kms où je fais attention de ne pas rééditer ma pirouette de l’Alpsman 2024.
Je termine en boulet de canon en un peu moins de 7h20 pour une prévision à 7h30. La fin de descente me permet de me détendre, de boire et m’alimenter un peu. J’arrive à T2 (transition vélo-CAP). Martin se saisit de mon vélo, jean me précède pour me conduire vers l’emplacement qu’ils ont aménagé. La transition est rapide, j’enlève ma veste sans manche et je me rue vers la sortie façon Forrest Gump ….. 126ème
LE MARATHON du Norseman :
Les premières foulées me confirment un état de jambe très correct et une envie débordante. C’est généralement mon point faible. Sur le NORSEMAN il se découpe en 3 parties. Les 25 premiers kilomètres sont plats. Du 25 au 37.5Kms c’est Zombies Hill avec 7 kms à 10% de pente moyenne. Au 37.5Kms du marathon c’est le cutt-off : les 160 premiers peuvent grimper en haut du Gaustatoppen (5 kms et 650m de dénivelé) pour aller décrocher le t-shirt noir. Au-delà de la 160ème place c’est la redescente vers la station de ski et le t-shirt blanc de finisher.
Je suis surpris par le peu d’athlètes devant et derrière. Peu importe, j’entre dans ma bulle, je suis concentré et tendu vers l’objectif de courir les 25 premiers kilomètres en 2h30. La tactique est d’engranger le plus de kilomètres réalisés entre 5mn et 5m45s au kilomètre. Ca commence plutôt bien, les kilomètres défilent et je vois Martin et Jean qui me passent pour aller m’attendre entre le 5 et 6ème kilomètre. Ca me semble un peu long et nous décidons de nous revoir tous les 2 kms pour changer ma petite gourde de 250ml et manger un morceau de pastèque et de banane. Compte tenu de ma sensibilité gastrique, je suis passé en mode coca-eau-pastèque-banane qui me convient bien.
Le reste de l’équipe s’est restauré à T2 pour faire le plein d’énergie. Je les retrouves rapidement sur les bords de route, marianne et jef avec la cloche, Anne, Charlotte et Juliette ave l’appareil photos. Je conserve une belle fréquence de foulée jusqu’au 12ème et je maintiens la concurrence toujours au-delà de 20mn.
Au 14ème kilomètre, moins de 5 personnes m’ont dépassé sur la course à pieds. C’est à ce moment que la petite pluie et le coup de moins bien s’invitent. Je n’ai pas assez mangé et je le sais. Sans grand enthousiasme je prends un gel qui me donne instantanément envie de vomir. J’arrive à le garder et je sens au bout de 5mn l’énergie revenir.
Je rattrape une triathlète qui m’avait doublé au 40ème kilomètre du vélo. Je la reconnais à sa tenue très « panthère rose ». Elle a un gros coup de moins bien, nous faisons un bout de chemin ensemble jusqu’au 22ème kilomètres. Elle finira par me déposer.
Il reste 500m avant le virage à gauche et le début de la montée de Zombies Hill au 25ème kilomètre. Je reprends un concurrent qui craque. Ma voiture support me dépasse….et loupe la route à gauche faute de signalement clair et de signaleur. J’agite les bras….je crie…ils vont bien se rendre compte qu’il n’y a plus de triathlètes sur la route ?
Je tourne à gauche et profite du petit ravitaillement de l’organisation. Je suis 129ème. Je retrouve le reste de l’équipe qui a bien tourné à gauche. Je leur crie d’appeler Jean et Martin pour leur dire de faire demi-tour et j’attaque la montée seul, sans eau et avec un gel.
Je me calme, il faut juste leur laisser le temps de remettre les choses dans l’ordre. A ce moment la voiture de Charlotte, Juliette et Anne arrive à ma hauteur. Anne jaillit de la voiture et me dit qu’elle va remplacer Jean. C’est interdit mais je lis dans ses yeux qu’elle s’en fout. Elle va me chercher de l’eau et à manger auprès de l’assistance d’un concurrent derrière moi.
Jean finit par me reprendre à pieds au prix d’un bel effort. Martin a garé la voiture un peu plus haut et dévale la route avec le ravitaillement. Nous sommes de nouveau en marche vers notre objectif. Nous rentrons en mode gestion du classement pour rester au tour de la 130ème place. Nous alternons avec Jean marche et course. Je regarde exclusivement devant. Jean me renseigne sur l’écart avec nos poursuivants. A l’amorce du 30ème kilomètres je commence à m’autoriser à penser que nous allons réaliser l’impensable. C’est à ce moment que je recroise les Irons Girls avec leur grosse sono. Elles mettent une ambiance de feu depuis le début du vélo, alors je me laisse aller à un nouveau moment de partage. 2 virages plus loin c’est la BOB Team Norvégienne qui nous éclate les tympans. Ils sont présents tous les ans avec leur t-shirt orange et leurs drapeaux norvégiens. Jean emprunte l’un des drapeaux et nous faisons les fous, parce que c’est fou en fait ce que nous sommes en train de réaliser.
32ème kilomètre pas de Martin à l’horizon comme prévu. Nous avons passé les 1000m d’altitude. La petite pluie est complétée par la fraicheur et j’enfilerais bien une veste. Jef surgit de nulle part et me passe son coupe-vent Hellfest. Le ton est donné pour les 5 derniers kilomètres avant le cutt-off. Bienvenue dans l’enfer du NORSEMAN.
Anne et Charlotte sont parties devant à pieds pour rallier le cutt-off au kilomètre 37.5. Elle affronte déjà la pluie et le vent. Martin a pris la navette réservée au support pour nous attendre au même endroit avec les sacs de trail. Au 34ème le ciel devient noir, le vent forcit et nous passons de la bruine à la bonne pluie. Jef et Marianne sont encore sur le bord de la route…quelle santé ! Nous reprenons deux athlètes dont un qui m’avait distancé au 40ème kilomètre du vélo.
Ca va le faire, ce n’est pas possible que l’on se fasse passer par 30 équipes dans les 4 derniers kilomètres ? Jean se retourne et me dit que ça revient fort derrière. Comment ça ? Nous avions maximum une ou deux équipes en vue derrière nous. Jean m’indique que c’est minimum une dizaine d’équipe qu’il aperçoit à moins de 500m sur cette longue ligne droite en montée.
Tout le monde jette ses dernières forces pour décrocher une place dans les 160 synonyme de t-shirt noir. Le triathlète zombie n’abandonne jamais. Alors nous aussi nous nous mettons à courir pour ne pas être attrapés. Nous ne voyons pas les tentes du cutt-off qui sont forcément là, derrière cette courbe qui n’en finit pas. Et enfin je vois la tente blanche à côté du portillon qui donne l’accès à la montagne.
La montagne est noire avec la tête dans les nuages. Je vois des silhouettes qui montent sur le début du chemin. Je vais y aller moi aussi, je vais m’expliquer avec ce gros tas de cailloux qui ne veut visiblement pas de nous aujourd’hui. Je cherche Martin dans la foule car il doit nous donner nos sacs pour que nous les fassions contrôler avant l’ascension. Il s’approche de moi et me dit que la montagne vient d’être fermée par l’organisation pour des raisons de sécurité. Trop de vent, trop de pluie et trop froid.
Le race director me le confirme. Il me dit de toucher ce portillon que je n’ai plus le droit d’ouvrir. Il me confirme également que je suis black finisher. Il faut juste que je complète le marathon en faisant les 5 kms jusqu’à la ligne d’arrivée des t-shirt blanc. Je suis sonné. Anne, Charlotte, Martin, Marianne et Jef se retrouvent autour de moi. Je craque dans les bras de ma fille. J’ai poussé jusqu’au bout et je me rends compte après coup que l’effort a été intense.
Suis-je déçu de ne pas grimper ? Non, je suis soulagé de ne pas imposer une montée et surtout une redescente très compliquée à mes supports. Le temps de me changer, de boire un chocolat chaud et nous voilà repartis dans le sens inverse sous la pluie battante. Ceux qui avaient prévus de monter avec moi s’infligent ces 5 kilomètres dans le froid et la pluie. Nous croisons les athlètes qui se battent pour atteindre le cutt-off dans les temps. C’est là que je recroise l’athlète du team Zalaris avec qui nous avons fait un bout de route à vélo. Nous nous reconnaissons, il me prend dans ses bras et me dit que ce fut un super moment. C’est la force du triathlon et la force du NORSEMAN, le respect entre des athlètes qui ont tout donné…une sensation exceptionnelle.
Nous revoici au 32ème kilomètre du marathon. Virage à droite, nous récupérons Juliette, Marianne et Jef pour enfin passer cette ligne d’arrivée. Mon équipe s’efface discrètement pour me laisser passer la ligne en 1er. Bent, l’un des créateurs du NORSEMAN, est là pour accueillir les concurrents. Il le fera jusqu’au dernier. Je me tourne et m’incline devant l’ensemble de l’équipe qui a été géniale de la 1ère à la dernière minute. Encore plus sur le NORSEMAN que sur tout autre épreuve, RIEN n’est possible seul.

Le lendemain a été également plein d’émotions. La remise du T-shirt noir, les photos avec l’équipe, la photo officielle et la photo du team francophone animé par Brice Maillard sont autant de moments spéciaux. Au milieu de ce tourbillon d’émotions, Jean me prend par le bras et me dit qu’il ne peut pas repartir d’ici sans avoir gravi la montagne. Le fait qu’il le dise en fait une évidence. Après un rapide déjeuner nous montons en voiture jusqu’à nous retrouver devant la porte dans la montagne que nous n’avons pas poussée la veille.

La montagne est dans le même état météorologique que la veille. Le périple de 5kms et 650m de dénivelé est donné pour 1h20. Je n’ai pas beaucoup plus de jambes après une nuit de sommeil. Il me faudra 2h pour atteindre le sommet. C’est donc dans l’intimité de notre binôme sportif que nous franchissons les dernières marches à 1850m d’altitude et avec 2 degrés au thermomètre. Jean a le sens de la formule. Il me dit que nous devons être peu nombreux à avoir fait les deux arrivées black et white. Nous redescendons par le train dans la montagne. Nous sommes vidés. C’est Anne qui vient nous arracher à la pluie qui reprend.
C’est mon dernier compte rendu car c’est mon dernier triathlon longue distance. Rien ne pourra être plus beau, plus dur, plus accompli, plus collectif, plus empli d’émotions en matière de triathlon.
J’ai regardé avec envie pendant sept ans ce chemin. Je me suis préparé comme jamais. De l’avoir arpenté et partagé m’a procuré des sensations incroyables et inoubliables.
Vivez vos passions, réalisez vos projets et partagez avec ceux qui vous sont chères. Les sensations que l’on en tire sont délicieuses. Le temps presse !
Credits photo : NXTRI – Alexander Koerner – Maxime David