Ce jeudi 15 juillet 2010 matin, Nico vient me chercher à la maison. Grand luxe, nous disposons d’un camion. C’est celui du club cycliste de Rantigny, que nous avons loué pour un tarif très concurrentiel. Il est très pratique car il dispose d’un large compartiment arrière équipé pour transporter verticalement les vélos, ainsi que d’un espace passagers sur 3 rangées. Tout ce qui est nécessaire pour transporter des triathlètes et leur barda.
Nous passons à St Leu chercher Olivier, Fred et Denis, son père. Moi qui suis parti en supports-chaussettes, je constate qu’Olivier est parti pour un mois. C’est bien simple, il déménage. Quant à Fred, il emporte 10 carbo-cakes faits maison, notre fil rouge de ces prochains jours. Le camion est particulièrement bien rempli mais la bête en a sous le capot. Nous nous arrêtons pour manger après Metz, puis reprenons la route. Moi qui ai beaucoup de fatigue accumulée, je dors. Les autoroutes Allemandes sont égales à leur réputation. Bilan 1h30 de bouchon, scotchés sur place.
Nous essayons de prévenir le camping de notre retard. La personne au téléphone ne fait aucun effort et ne parle que l’Allemand. Très commerçante, elle nous raccroche au nez. Enfin nous arrivons à Nürmberg. Nous trouvons le camping, mais évidemment, l’accueil est … fermé. Après 15’, nous arrivons à faire sortir le gérant de sa cuisine. Nous prenons enfin possession de nos mobil-homes.
Pendant le repas, l’ambiance est excellente. Il faut cependant parler assez fort, car nous sommes juste à côté d’un stade dans lequel à lieu un concert de Pink – Une chance, elle n’en donne pas beaucoup à ses fans. A 23h00, c’est le silence. Excellente nuit.
Reconnaissance de Roth & Village
Ce vendredi matin, nous nous sommes levés de bonne heure pour aller nager. Nous prenons doucement nos marques au niveau du parc fermé natation/départ vélo. Traduction, Olivier et moi allons mettre de l’engrais dans le champ de maïs voisin. 150 à 200 athlètes sont présents sur le site. La natation se passe dans un canal à grand gabarit, qui est interdit à la navigation pendant l’entraînement. A 9h00, le bateau de la Polizei fait sortir tous les retardataires de l’eau, et rend le canal à son usage principal. En Allemagne, l’heure c’est l’heure. Heureusement que nous sommes en phase avec la rigueur Germanique. Déjà une péniche arrive.
Nous nous séchons sous un grand soleil, et partons vers Roth, pour le retrait des dossards. Nous découvrons le site d’arrivée, ainsi que le village des exposants. C’est énorme, et nous sommes incapables de compter le nombre impressionnant de stands. Nous achetons des tee-shirts qui portent la totalité des noms des participants de cette édition.
Nous partons ensuite pour la reconnaissance du parcours vélo. Surprise, alors que j’avais compris que c’était plat, il y a des côtes. Au passage, le Steinberg me semble assez raide. Nous continuons à rouler. C’est long. Nous traversons le village de Steindl, dans une bosse qui m’inquiète beaucoup. Vers midi, je ne suis pas bien. Avec la chaleur, l’entraînement et le petit déjeuner qui est maintenant loin, je fais une petite hypo. Nous nous arrêtons pour faire des courses et rentrons au camping pour manger. Ouf, je dévore et me refais une santé.
L’après-midi, je fais de la mécanique pour m’occuper : changement des pneumatiques + nettoyage + derniers réglages. Bon c’est vrai, je suis un peu à la bourre.
Deux triathlètes de Beaumont prennent possession du mobil-home en face du nôtre, pour le plus grand plaisir d’Olivier qui trouve 2 nouveaux interlocuteurs tout frais. Nouveau retour à Roth pour la Pasta party. Nous entrons sous une tente gigantesque. Plus de 2000 personnes sont présentes dans une vraie fournaise. On peut manger de tout à volonté, dans une organisation sans faille. Bon, il fait vraiment trop chaud et nous retournons baver d’envie devant les vélos dans les stands.
Cette nuit là, un énorme orage va sonoriser et éclairer le camping. Le lendemain matin, tout est trempé mais la pluie a cessé. Une légère brume de vapeur flotte. Nous allons à côté du parc fermé pour essayer les vélos et reconnaître les premiers et derniers kilomètres. Je suis très bien. J’avais besoin de ce moment. Enfin je suis dans la course.
Au bout d’une heure, nous allons directement mettre en place nos montures dans le parc fermé, sans attendre un seul instant. Il n’en sera pas de même pour ceux qui viendront en milieu d’après-midi. L’organisation est vraiment top, et des jeunes bénévoles nous donnent des housses pour protéger les vélos durant la nuit. Le parc fermé a vraiment fière allure.
Nous organisons un pique nique au bord du canal. Nous sommes détendus et l’ambiance est vraiment très bonne. Olivier joue la Vouvouzela avec une énergie qui force l’admiration. Il est vrai que l’excès de carbo-cakes maison met nos intestins à rude épreuve. Nous avons les armes pour lui répondre dans un concert d’hilarité. Il faut bien maîtriser le stress comme on peut.
Vers 17h, nous allons assister au briefing piloté par G. Hemmerlin. En synthèse, les Français draftent et sont connus des arbitres pour cela, les 10 derniers km de vélo sont très difficiles, … Patrick Ducerf, un collègue de travail qui participe également, vient me saluer.
On se couche de bonne heure dans l’espoir d’une bonne nuit de repos. Après 10’, un moustique vient me tenir compagnie. S’engage un combat que j’arrive à gagner. Alors que je tente à nouveau de m’endormir, je reçois un SMS de mon Nat qui me souhaite bonne chance. Arrivent alors les ronflements de Frédéric qui dort dans la pièce à côté. Je siffle. Je vais même le tourner sur le côté pour limiter le bruit. Il se réveille hagard, se demandant ce qui se passe. Je ne dors pas de la nuit.
Au matin je suis explosé. Je note que dans le mobil home à côté, Nico est dans le même état que moi. Nous savons cependant que cette dernière nuit n’a pas d’importance. Nous arrivons de nuit sur le site de départ. Les routes sont barrées un peu partout, mais Denis sait où aller stationner. Nous arrivons dans le parc fermé, après une dernière photo et les traditionnels encouragements.
Nous nous affairons à préparer notre équipement et à nous assurer que tout est prêt. Je récupère la pompe pour monter en pression mes pneumatiques. J’ai un stress énorme qui me prend l’estomac. Je pleure et ne vois plus le manomètre. Frédéric le remarque et s’éloigne un peu.
Flash-back : J’ai le sentiment que ma préparation n’a pas été très bonne. Lors de mon principal test, au triathlon du « Lac de la forêt d’Orient », j’ai effectué une très mauvaise natation. Mon vélo a cependant été correct, avec pour la première fois de ma vie un prolongateur (à 47 ans, il était temps). Heureusement que la pluie est arrivée car j’ai eu un gros coup de chaud vers le milieu du parcours. Ma course à pied a été laborieuse, avec les 10 derniers kilomètres d’extrême souffrance, et la vision de Greg qui me lâche, mètre après mètre. Bref, bien que 3ème de l’ASTRE, la performance n’est pas superbe et la confiance que je suis venu chercher n’est pas au rendez-vous.
Point positif au fait de ne pas avoir bien marché, au contraire de Vendôme il y a 2 ans, je ne suis pas blessé. C’est quand on approche de son maxi que l’on risque les problèmes. Manifestement, j’ai encore de la marge. J’ai également effectué un déplacement professionnel d’une semaine en Chine, 15 jours avant la course. J’ai cependant réussi à effectuer 2x 1h15 sur tapis de course. Du coup, j’ai fait une grosse hypo lors de ma dernière sortie vélo, après avoir bataillé avec un groupe que j’avais rattrapé au train, mais dont les plus forts mon explosé dans une côte. Cerise sur le gâteau : Lors d’un jogging 8 jours avant, sous le soleil de … Béthune, j’ai dû m’arrêter au bout de 50 minutes, rôti au sens propre comme au figuré. J’ai cependant un bon foncier, mais mon volume est loin de ce que j’avais réalisé pour Embrun.
Le jour J : Roth 2010
La pression est retombée. Ca va mieux. Nous allons assister au départ des pros. Ensuite, à 6h20, c’est le départ d’Olivier et Nico. Coup de stress, je ne vois pas mon sac de transition. Je rentre pour le chercher, malgré les arbitres qui font sortir tout le monde. Ouf, je le retrouve un peu plus loin. Arrivé très tôt alors que personne n’avait déposé ses affaires, je me suis trompé d’une centaine. Encore un petit séjour aux toilettes, et je suis paré. Je vois sortir les pros de l’eau. Mon tour approche. J’enfile ma combi, mais n’arrive pas à la fermer. Un Allemand m’aide et me souhaite bonne chance.
Je rentre dans le sas. Nous ne sommes que 200, avec notre bonnet « lumière », un jaune très pâle un peu fluo. Ce départ est constitué de triathlètes qui ont indiqué 10h45 comme objectif. J’étais bien présomptueux il y a un an. C’est à nous de rentrer dans l’eau. Elle est super chaude. J’arrive à uriner avant le départ. Ca, c’est fait. 7h00, enfin nous partons. Je suis bien. Sur ma gauche, 3 montgolfières donnent un air de fête.
Le premier aller se passe bien. Je rattrape des nageurs du groupe parti 5’ devant, puis 10’. C’est mon tour de me faire déposer par un groupe de furieux, totalement insuivable. Retour après le demi-tour au pont. Je suis à 2 m du bord. Je vois les gens sur la berge qui applaudissent. Je m’applique un maximum pour glisser, et ne pas laisser trop de forces dans l’affaire. J’aperçois le pont proche du départ. Il est noir de monde. Moi qui pensais virer juste après, je me rends compte que la bouée est encore très éloignée. Quand faut y aller … Enfin, elle est là ! Dernier demi-tour pour revenir vers le parc fermé. Cette natation n’en fini pas. 3,8 km pour moi, c’est vraiment très long. Enfin, j’en vois le bout.
J’arrive à la sortie où des jeunes gens en combi, de l’eau jusqu’à la taille, nous aident à nous redresser. Un monde fou qui applaudit et une musique d’enfer. Je cours au milieu des rangées de sacs et attrape le mien, …, au bon endroit. Arrive la tente. Une brave dame m’aide à me changer, ce qui me permet d’effectuer ma transition dans un temps honnête pour une fois.
Trouver mon vélo dans cette marée d’aluminium et de carbone. Enfin le voilà. Je bourre mes poches avec le ravitaillement, dont au moins 350 g de pommes de terre.
Challenge Roth : le vélo
C’est parti. Les sensations sont bonnes. Je passe sur le pont puis plonge pour 5 km de faux plat descendant, histoire de bien se mettre dans le rythme. Je traverse le premier village, noir de monde. Je devrais dire, jaune de monde. Des centaines de mètres de tables et de parasols jaunes de part et d’autre de la route, avec des gens qui boivent, qui applaudissent, qui font du bruit avec leurs crécelles. En grand vainqueur du prix Orange du tri de la forêt d’Orient, je salue tout le monde. Je ne sais pas encore que je ne vais pas arrêter de la journée.
Je tourne sur la gauche (la droite c’est pour dans 170 km) et je découvre le premier ravitaillement vélo. Dantesque. Sur 150 m au moins, les militaires sont installés avec une rigueur toute germanique. Filet de camouflage pour recueillir les bidons vides. Ensuite c’est Wasser/water, Iso, barres, bananes, Wasser, ….
Second village, encore des encouragements. Je rentre en forêt et passe la première bosse. Une famille est installée là, et sonorise le coin. Chaque cycliste à droit à ses encouragements. Je bascule pour 15 km de faux-plat descendant. « Allez Thierry ! ». Tiens, il me connaît ? C’est vrai, j’ai mon prénom sur mon dossard. Je vais ensuite encourager tous les Français rencontrés (mais surtout les dames, parties avant). La moyenne est vraiment superbe. On se bagarre un peu avec un superbe athlète Espagnol sur un Orbéa magnifique. France : 1 – Espagne : 0
Au détour d’un virage, je vois une fille plutôt bien faite, installée dans le fossé, la trifonction sur les chevilles. Zut, je roule trop vite pour profiter pleinement de ces superbes paysages Bavarois. Arrive la montée de Greding. Fred avait dit que les Allemands étaient nuls dans les côtes. Un groupe d’une dizaine me laisse sur place. S’ils sont nuls, je ne vous parle pas de moi. C’est clair que je n’ai pas le jus que j’avais à Embrun. Par contre, j’arrive à exprimer mes qualités de rouleur dans les nombreux faux-plats. Ceci est d’autant plus important que le vent est présent, surtout lors du premier tour.
A chaque fois que j’ai une baisse de régime, je pense à mes garçons qui viennent de finir les Frances, et à mon Quentin qui s’est arraché pour taper 2ème au 200 m brasse. Je n’ai pas le droit de les décevoir.
Arrive le Steindl, le coup de cul qui m’avait fait peur lors de la reconnaissance. Je le passe sans coup férir, en lâchant tous les autres cyclistes. Comme quoi. Par contre, la méchante bosse annoncée par Fred arrive. Effectivement, elle est dure, mais pleine de monde pour nous encourager. J’apprendrai plus tard que Nico y a cassé sa chaîne et y a laissé 15’. Je file vers le Solarberg. Personne dans la ville d’ Hilpolstein. Bizarre. Je vire à droite, et là c’est incroyable. Des barrières de part et d’autre de la route qui retiennent une foule très nombreuse, puis c’est le goulet. La route est noire de monde. Je me tiens la tête tellement c’est incroyable. Je dis merci, plutôt « Danke ».
Il faut prendre son mal en patience, car c’est impossible de doubler. La foule s’ouvre et se referme quand on passe, dans un bruit assourdissant. Rien que pour ce moment, il faut venir à Roth. La signature d’Embrun, c’est la Casse déserte. A Roth, ce sont les spectateurs.
La fin du premier tour arrive vite. On remet ça avec toujours autant de plaisir. Dans une bosse, le speaker m’encourage : « Tierrrie Kallé von breuil le verrrrrtttt, hop là ! ». Je m’arrête une seconde fois pour satisfaire un besoin naturel. J’étais bien décidé à m’hydrater, et j’ai respecté mon engagement. Deuxième montée du Solar. Il y a un peu moins de monde, car ceux qui suivent les premiers sont partis pour se poster sur le parcours course à pied. Quand il y a 140 000 spectateurs sur un parcours et de nombreuses routes fermées, il faut savoir anticiper. Denis est très bon à ce jeu là, et a même apporté son VTT pour pouvoir nous photographier à plusieurs reprises. Il a passé 2 jours à affiner son road book pour se placer au bon endroit au bon moment, sachant que nous sommes partis dans 3 vagues différentes, et que nos niveaux sont très différents dans les 3 épreuves. Un vrai casse-tête dont il s’est sorti haut la main.
Je fais très attention de ne pas me faire cartonner par les arbitres, car quand un cycliste Allemand te double, il se rabat 50 cm devant ta roue avant. Pour éviter toute mésaventure, et comme moi aussi je double pas mal, je reste souvent au centre de la route. J’ai droit à une sévère remontrance d’un arbitre qui veut que je respecte le code de la route et serre à droite. Ach, ces arbitres Allemands !
Enfin je tourne à droite pour filer vers Roth. Hemmerlin avait dit que cette portion était très difficile. Tu parles, je l’avale à plus de 40 km/h.
Arrive la seconde transition. A peine au sol, des jeunes se précipitent pour récupérer ton fidèle coursier qui a bien donné. Arrivé devant la tente, on te tend ton sac « Run ». Nouvelle petite dame devant laquelle je me mets entièrement nu pour me changer. Je mets en place un pansement sur la seule ampoule résultante de ma préparation, mais qui est apparue lors de mon dernier jogging (chaussures trop raides suite à un passage en machine à laver, impératif du fait de mes entraînements Chinois sur tapis). Cependant, avec la transpiration, il n’est pas très bien collé.
Challenge Roth : 42,2 km
Je pars en course à pied. J’ai de bonnes jambes. Je croise Chrissie Wellington, 7ème au scratch, qui finit son marathon, fraîche comme une rose, belle. Incroyable, Cyril Viennot est 2 minutes derrière elle.
Le soleil commence à se montrer de plus en plus. J’appréhende vraiment les fortes températures. Heureusement, les ravitaillements sur le marathon sont là encore exceptionnels. Epongeage, eau, coca, fruits, barres, gels, … . Tu peux venir ici les mains dans les poches. Tu trouves ce dont tu as besoins tous les 2,5 km. Et des dizaines de bénévoles à chaque fois, qui ne savent que faire pour nous contenter. Des gamins incroyables d’implication courent si nous loupons un gobelet, alors que 5 autres sont justes après. Pour limiter l’augmentation de ma température corporelle, je m’arrose à chaque fois. Eau, coca, eau. Et un de mes gels tous les 5 km. A chaque fois, je m’arrête pour un ravitaillement de qualité.
Vers le km 8, je croise Nico. Il est super bien. Olivier est 2 km derrière, pas mal lui non plus. Je passe l’écluse, le village de Schwand. Le gars Thierry tient. Je prends un gel de l’organisation. Erreur. Brûlures d’estomac durant 15’, qui passent doucement. Première alerte. Je suis dans ma bulle. Je gère mon rythme. Je suis en totale introspection, concentré sur moimême, mon alimentation, mon hydratation, la température de mon corps. Je suis inquiet pour mon ampoule car le sparadrap a bougé dès le début, mais tout va bien. Pour passer le temps, je drafte comme un malade. Je peux suivre une personne pendant 1 km, pour me refaire la santé et ne pas perdre d’énergie à tenir mon rythme. Quand je suis mieux, je double. Vers la mi-parcours, je croise Fred, lui aussi très bien.
2 ème partie du marathon et passage à l’ombre. Le Thierry tient toujours. 24, 25, 26ème km. A nouveau Nico toujours très bien. C’est gagné pour lui. Je continue. L’écart entre Olivier et Nico a augmenté. Je le croise enfin lors du passage en forêt. Il semble éprouvé et manque un peu de lucidité. Je remarque que je suis à 3 km derrière lui. Je vais effectuer mon demi-tour à Eckersmühlen. Après être passé au-dessus du canal, je sens que le coup de barre est proche. Au 30ème sur Ironman, ressentir seulement son premier coup de barre, c’est vraiment super. Je sors mon Joker, jamais essayé auparavant : Un gel Red Tonic.
Je retraverse la forêt puis me retrouve au bord du canal. Je drafte toujours, mais moins longtemps qu’avant. Je double, je double, … . Imperceptiblement, j’ai allongé la foulée. Sûrement trop pour ce que mes jambes pouvaient supporter en cette fin de Marathon. Au 34ème, je suis stoppé sur 2 foulées par une crampe à l’ischio de la jambe droite. Impossible de faire passer cette boule de pétanque derrière la cuisse. Je repense à Embrun, à ma longue marche en attendant que mes jambes se remettent à fonctionner. Encore 8 km à faire. Bon, c’est pas la fin du monde, mais adieu les 11h.
Enfin la crampe passe. Aucune hésitation, je repars en courant pour voir si ça tient, et ça tient. J’applique enfin strictement les conseils de Marc : « Des petits pas, des petits pas ! ». Et ça tient encore. Toujours ces ravitaillements bien garnis et ces gamins attentionnés qui crient : « Wasser, Iso, Cola, … ». Leur énergie est communicative. Mon estomac accepte sans problème tout ce que je lui fais ingurgiter. Les pommes de terre et le solide pris sur le vélo en sont la raison. Je redescends vers la ville. Je fais très attention à ma foulée. Je marche dans la bosse avant de rentrer dans Roth. J’arrive au centre ville. Je débouche sur la place du village. Des fous. On passe entre les tables, avec des gens attablés devant leur bière, qui applaudissent. De la musique. C’est grisant et magnifique sous le soleil.
Dernière ligne droite, passage de la ligne de chemin de fer, et enfin ce long final entre les barrières. Le tour d’honneur sur le tapis bleu. Cette arche attendue, mais pas de crazy jump. Je n’y ai pas pensé. La médaille. Le pont pour entrer dans la zone des triathlètes. Pas d’émotion. La sérénité. Je ne suis pas vidé. J’ai moins souffert qu’au lac de la forêt d’Orient. J’ai géré à la perfection un potentiel inférieur à celui de l’Embrunman 2008, avec l’humilité nécessaire et beaucoup de métier. Quelques petites erreurs, mais un plaisir intense de A à Z. Seul le format Ironman apporte autant d’émotions, de doutes, de plaisirs, de douleurs. Vivre cela à plusieurs est un gros plus, car la préparation est plus dure que la course. Je rentre sous la tente. De la nourriture à profusion. Je retrouve Olivier qui récupère doucement. Il a beaucoup souffert de son genou. Je mange avec beaucoup de plaisir. Je goûte à tout, sauf au salé (on ne se refait pas). Je ne m’approche pas des tables de massage. C’est sûr que c’est cela qui m’a déclenché les crampes à Embrun. On retrouve Nico vers les douches. Il n’y a pas encore trop de monde alors on se précipite. Je n’attends pas longtemps avant d’avoir une place. Zut, j’ai oublié mes lunettes de soleil sur ma tête. Cette douche fait un bien fou. Je sors et croise Olivier dans la file. Il a oublié sa serviette. Je lui laisse la mienne et sors, uniquement vêtu … de mes lunettes de soleil. A quelques mètres, les jeunes femmes prennent également leur douche, et se changent en plein air, derrière un modeste paravent, et une ouverture de plus de 3 m de large. J’aime décidément bien la pudeur Allemande.
Nous allons à la recherche de Frédéric. Il est passé quelques minutes entre les mains des « Herr Doktor ». Ca y est, nous sommes au complet. Quelques minutes de marche pour retourner au parc à vélos rechercher nos montures, et retour vers le camping, toujours pilotés par Denis. Ce soir, Champagne pour fêter nos exploits : Celui qui nous a été remis … lors du triathlon du « Lac de la forêt d’Orient ». La boucle est bouclée. Résultat final, 10h40 et quelques secondes de bonheur. Merci à ma famille de m’avoir encouragé, notamment les soirs dans mon garage, dégoulinant de sueur sur mon home-trainer. Nota : Le compte-rendu du LD de Gérardmer écrit par Philippe VDK m’a donné la confiance et l’envie pour faire du long. Advienne que pourra….