Après une semaine en juillet pour un ultime stage prépa, j’arrive sur Embrun le vendredi 10 aout au petit matin. Cette année pas de folie avant la course à partir faire une rando, je reste sagement chez les parents et m’occupe avec de petites séances de natation, vélo et course à pieds histoire de continuer à se rassurer.
Ce n’est pas la grande forme contrairement à l’an dernier, sans doute que l’excitation et l’innocence de la première est passée et aujourd’hui je sais ce qui m’attend d’ici quelques jours.
La préparation n’est pas forcément idéale, je n’ai quasiment pas nagé et roulé pendant l’hiver et le mois de mai passé au Pérou n’a pas arrangé les choses. Alors oui j’aurais fait un gros stock de globules en restant à +3000m pendant 3 semaines mais ce n’est pas cela qui va me sauver. Je ne suis pas dans mon assiette, est-ce le fait de ne pas avoir tous mes amis comme l’an dernier, j’ai tout de même les parents, leurs amis et mon pote Jojo avec sa copine. Mais il y a quelque chose, je le sens. Je ne suis pas libéré.
Je profite du dimanche pour aller voir un peu les concurrents sur le M et continuer le farniente au bord du plan d’eau. Je ressens des petites douleurs aux jambes, aux épaules … là clairement c’est la tête qui me joue des tours, l’esprit est vraiment très fort, mais même en répétant cela, je stress de plus en plus. Je suis refermé sur moi-même et ne partage pas trop avec les autres. Le lundi, pluie toute la matinée, j’espère que ça ne va pas être la même mercredi sinon ça va être compliqué. Si tout va bien le temps doit s’améliorer (peut être des risques d’orages sur le Queyras, en gros dans le col d’Izoard, youpiii !!) J’en profite pour aller chercher mon dossard en ville et éviter l’affluence du mardi.
Le temps s’améliore en fin de journée mais à nouveau un bel orage le soir qui souffle pas mal de chaises et de caisses dans le parc à vélo. Heureusement que l’on n’a pas posé les vélo ce jour-là. Mardi 14 aout, veille de compétition. Je fini les derniers réglages, la préparation du vélo et des affaires. Je descends sur les coups de 15h au parc à vélo. Je rentre en même temps que Romain Guillaume et direction le contrôle des vélos avec caméra thermique pour tous les deux, sait-on jamais …
Vélo posé, je rentre avec la caisse et fini l’après-midi au plan d’eau histoire de profiter du calme avant la tempête ! Le temps est agréable, pas de pluie aujourd’hui. Repas de champion le soir : poulet et pâtes avec crudités en entrée. Couché 21h30 et je ne mets pas beaucoup de temps à m’endormir malgré le stress de la compétition, le réveil à 4h va piquer.
Jour J : En fait non le réveil à 4h est facile, j’étais même réveillé juste avant la sonnerie. Je m’habille et prends mon petit dej, gâteau sport Mel Tonic (miel et framboise), super bon, et pas de café cette année ça sera de la boisson pour l’effort. 5h, je sors de chez moi et descends les 100m qui me séparent de la ligne de départ (faut dire que c’est pratique ça) Il n’y a pas trop de monde au contrôle carte d’identité, j’arrive rapidement à mon emplacement et suis avec les beauvaisiens en bout de rangée 8 côté plan d’eau. Il ne fait pas super chaud, 11° environ. Je gonfle les pneus, prépare mes affaires pour les 3 parties et enfile ma combinaison assez rapidement histoire d’avoir chaud. Le temps passe assez rapidement et voilà déjà le départ des féminines annoncé dans 5mn. Je me rapproche de la sortie du parc histoire de me positionner dans les 300-400 premiers. 05h55, les filles s’élancent dans une ambiance du tonner. Encore 5mn à patienter et ça sera mon tour. Contrairement à l’an dernier pas de sensation particulière qui m’envahit, j’ai l’impression de ne pas avoir la motivation… J’aperçois Laurent Drouillet (et peut être Thierry Calais également mais plus sûr) de l’autre côté des barrières ça fait du bien. Plus que quelques secondes et c’est parti pour cette nouvelle édition. PAAAAN !!! Et c’est parti, je me mets sur le côté gauche histoire de ne pas être bloqué au passage des pontons et commence doucement. Je fais bien car au final je vais sortir avec 4.2km à la montre … Le premier tour se déroule bien et sur le retour le soleil se lève laissant apparaître les montagnes. Je suis relativement bien mais je commence à avoir un léger mal de tête et à nouveau l’esprit ailleurs. Je ne suis vraiment pas dedans cette année, où est passée cette excitation que j’avais l’an dernier ? Allez, on passe la bouée du demi-tour j’ai fait le plus dur. La montre bip et bip encore, j’ai mis des alarmes tous les 500m ce n’est pas normal. Avant de passer les dernières bouées je suis déjà à 4km je ne comprends pas, depuis le début je fais en sorte de bien visualiser et ne pas faire de zig zag … Bref, sortie de l’eau à 4.2km en 01:21 soit 8mn de plus que l’an dernier, ok ça débute bien !! J’enlève le haut de la combi tout en allant à ma place et commence à avoir froid. Et bien tout est au top !! Je décide donc de me sécher avant de partir sur le vélo, j’enfile même les gants en laine dès le départ. Plus de 9mn au final pour la T1, encore du temps de perdu versus l’an dernier, je pars avec 10mn de retard grosso modo.
A peine entamé le parcours que je vois mes parents et les amis qui sont là pour moi, ça fait du bien. Première montée au bout de 300m, j’ai tellement froid que je ne sens quasiment pas les jambes. J’espère juste à ce moment-là de ne pas avoir de crampes. J’ai froid bordel !!!
La grimpette des Puits se fait relativement bien, en tout cas beaucoup mieux que l’an dernier avec le mal de bide (sans doute le café pas pris le matin cette fois-ci). J’arrive à me réchauffer pendant les passages au soleil mais dès qu’on attaque une descente ou un coin d’ombre c’est à nouveau les dents qui claquent. J’arrive en moins de 1h50 au rond-point des Orres où je sais que je vais prendre un bon bain d’encouragements, voir la famille et après partir pour 6h sans voir personne de connu. Je ne suis pas forcément beaucoup mieux, toujours cette sensation bizarre dans la tête, l’envie d’aller jusqu’au bout mais en même temps qu’est-ce que je fou là. Inexplicable ce ressenti.
Je reste entre chaleur et froid jusqu’à la maison du Roy où je me fais passer par un beauvaisien, que je redouble dès que la pente s’accentue un peu, qui me dépasse à nouveau et cela jusqu’à ma première pause pipi. Quelques kilomètres plus loin c’est l’ascension du col d’Izoard qui se profile. Je me dis « tiens ça serait bien d’avoir ton temps dans la montée » du coup j’appuie sur le bouton « LAP » et bim je passe en T2 … et merde quel con je vais foirer ma trace sur la montre !!! En bidouillant un peu j’arrive à remettre une activité vélo.
Quel début d’ascension …
Au final je n’ai pas mon temps de grimpette mais clairement j’en chie pas mal avec des coups de chaud (au moins je n’ai plus froid) et je dois faire dans les 1h25-1h30 pas moins.
Arrivée au sommet, ravito perso. C’est un mec de Noyon qui me file mon sac, on discute et on en arrive à parler du Prez à l’Alpe d’Huez avec qui il a roulé un peu cette année 😉
Je lui dis que je commence à sentir les quadri qui chauffent anormalement, l’an dernier c’était dans Pallon cette histoire et j’ai des bornes avant d’y arriver. Je fais le plein de mes bidons, prends mes sandwichs pain de mie/blanc de poulet (au final la seule chose que je vais manger sur la journée, quasi pas touché à nouveau aux barres et gels).
Dans la montée j’ai fait attention à bien me dévêtir avec la chaleur histoire de ne pas être trempé pour la descente, malin le mec !
J’attaque alors ma partie préférée, pas celle de Chris P, la descente sur 15km environ. Les premiers virages je fais attention mais je me lâche rapidement et profite à fond en dépassant pas mal de monde.
C’est à ce moment-là que mon esprit se libère, je pense à mes grands-parents, à Juw.
Les émotions reviennent, petite montée d’adrénaline et le moral remonté à bloc !! « tu n’as pas le droit de lâcher, tu as passé le plus dur maintenant tu t’arraches, t’arrête de te plaindre et tu mets tout ce que tu as »
Oh punaise me voilà reparti comme jamais. Je rattrape un à un les concurrents dans le faux plat menant au bas des Vigneaux et continue ma remontada dès que la pente s’élève.
Je dépose les vélos, les voitures et même les motos (dans la descente sur St Crépin) et je monte Pallon beaucoup mieux que l’an dernier et les quadri me laissent en paix.
Passé Réotier, comme à chaque fois on se prend le vent en pleine face, mais la route est agréable et je sais que ça descend ensuite sur St Clément et le ravito.
Je m’y arrête histoire de faire le plein en boisson et attaque la dernière partie vers St André et Chalvet par la suite. Je continue à remonter les concurrents et je prévois de m’arrêter à nouveau au ravito du Pont-Neuf avant d’entamer la dernière difficulté du vélo mais au final je file dans la descente et préfère continuer sur ma lancée, il me reste une ½ goude, largement suffisant pour arriver au sommet.
Mon père est là avant Chalvet, il va prévenir le reste des supporters et lui aussi commence à y croire.
La descente est assez technique au début car pleine de gravillons en plein milieu de la route, et 2 virages plus tard je vois un concurrent qui a dû faire une grosse chute. Je m’arrête à son niveau, le mec est pas en très bon état mais me dit de continuer. J’alerte un bénévole juste après, je ne peux pas faire grand-chose de plus.
Grosse émotion en passant devant l’ancienne maison des grands parents, vous êtes fiers je le sais. Je profite des derniers mètres de descente avant d’entamer le marathon pour relaxer les jambes et le reste, ça tire pas mal aux lombaires et dans le haut du dos, mais ça c’est le peu d’entrainement sur le vélo qui se paye tôt ou tard.
Dernier virage et j’entame la ligne droite avant le parc à vélo avec au fond l’arbitre qui agit son drapeau. Je mets pieds à terre vers 16h20, un vélo en 08h40 soit 10’ de gagner par rapport à 2017. Ça le fera pour finir maintenant je dois gagner du temps sur le marathon si je veux m’améliorer.
En arrivant à mon emplacement je vois 2 personnes finir de masser un concurrent et je leur fais signe de venir me rejoindre. 3-4mn de massage, chacun sa cuisse, ça fait du bien.
Jojo et sa copine sont juste à côté derrière les barrières et m’encouragent.
Allez, il va être temps de partir en cap.
Changement de chaussettes, je prends ma ceinture avec les gels et mes bidons et c’est parti pour 42km de plaisir !
Le premier tour se passe relativement bien, je cours quasiment tout du long à part le début de la côte Chamois et prends le temps de faire des stops à chaque ravitos histoire de prendre de l’eau et du coca. Premier tour bouclé en 1h30 mais je commence à avoir un point de contraction sur le trapèze gauche qui redescend sur l’épaule les km allant. Je décide de m’arrêter juste après la ligne d’arrivée pour me faire masser cette zone, je douille pas mal mais il le faut si je veux que ça passe. Je repars après 5mn à peine mais ce second tour va être un enchainement de course et marche, plus j’avance plus la douleur revient et je suis obligé de masser tout en marchant.
La grosse motivation retrouvée depuis l’Izoard se fait la malle au fur et à mesure de la distance. Niveau cardio et jambes ça va mais j’ai cette douleur qui ne veut pas partir et ça commence à me gonfler. Je me dis que de toute façon vu l’heure je finirai ce n’est pas ça le souci.
Il faut attendre le passage au niveau du terrain de rugby et que ma pote Pauline me dépasse (son premier Embrunman qui sera bouclé en moins de14h) sans me voir pour que je me remotive à courir au moins pour revenir à sa hauteur et la féliciter, en plus c’est son anniv aujourd’hui !!
1km plus loin je lâche à nouveau dans la tête et me remets à marcher.
Heureusement que mon père est là en vélo, toujours à plusieurs mètres pour ne pas se faire reprendre à l’ordre par les arbitres. Ça aide beaucoup pour le moral.
Ce qui est super aussi ce sont les petits mots au sol préparé par des supporters de choc 👌
Les supporters sont présents aussi, « allez Florent ça va repartir c’est dans la tête ». Alors oui c’est super cool mais à ce moment-là j’avais juste envie de leur dire de me laisser tranquille. Quand je vous dis que je n’étais pas dans mon jour …
Et puis 2km avant la fin du dernier tour je me dis que je vais recommencer à courir, et oui on arrive sur la digue où les parents et les amis sont, ça fait mauvais genre de marcher sur les photos :p
Je passe le 2eme tour en 1h50 environ et puis par la suite je ne vais quasiment plus m’arrêter de courir si ce n’est la côte Chamois again. Le père est impressionné quand il me voyait dans le tour précédent.
C’est fou comme c’est vraiment dans la tête que ça se joue.
J’arrive dans le bas de ville et il y a encore pas mal de monde pour nous encourager, je commence enfin à partager avec eux, il m’en aura fallu du temps.
Je rattrape du monde au fil des kilomètres et je ne m’arrête plus. Je ne prends plus la peine de me stopper à chaque ravito et file avec une idée en tête : ne pas finir avec la frontale cette année.
J’applaudis les spectateurs, remercie les bénévoles, enfin je prends mon pied !