Mon bearman 2020, prévu le 19 septembre, débute le 2 septembre, lorsque Chris Patoux m’annonce que la course à laquelle nous devions participer le même jour, l’Ironlake en Belgique, est annulée par les autorités locales.
En pleine sortie longue vélo, les jambes coupées, je rentre avec 135km au compteur, loin des 160 prévus.

Ni une ni deux, je file sur Google à la recherche d’une course de remplacement. 2/3 halfs annoncés ce week-end la mais ça ne me suffit pas, il me faut plus. Je m’entraîne quasiment sans relâche depuis le 1er janvier, je ne peux pas finir sans IM. Je sais que le bearman est ce même jour, je l’ai repéré, mais je ne suis pas préparé en CaP pour un tel défi. 

Le Bearman, c’est plus de 4000m de dénivelé positif à vélo, et 1200m de dénivelé positif sur le marathon. Le tout en autonomie. Zéro ravito, zéro assistance. La seule aide de l’organisation est la signalisation des points d’eau. Mais voilà, c’est ça, ou le frenchman, et j’ai déjà 200.000m de D+ au compteur depuis le 01/01. Sans la moindre hésitation, je m’inscris. Après tout, j’ai déjà tenté deux fois l’inscription pour le Norseman. Alors je vais pas m’effrayer pour si peu…

  • J-3 : Voiture jusqu’à paris, tgv jusqu’à Montpellier, TER jusqu’à Narbonne, et re voiture jusqu’à Amelie les bains. Pas le plus simple donc, mais bien arrivé.
  • J-2 : petite heure de vélo pour repérer le plan d’eau puis canapé/tour de France l’aprèm. Ce serait pas mal d’avoir les jambes de Pogacar pour la course quand même.
  • J-1 : 45 minutes de vélo, les jambes frétillent. Je récupère mon dossard. Et préparation des divers sacs. Car un distance full en autonomie (à noter quand même un ravito perso km 120/146), c’est une sacré logistique! Le soleil se couche, le réveil pour 3h00, au dodo.
  • Jour J : 2h30 les yeux sont grands ouverts. Un café, je récupère le petit dej et direction le départ. Je mange mon muesli/fromage blanc dans la voiture, avec ma musique d’avant course en boucle : Eminem – Lose Yourself.
  • Le parc à vélo ouvre, toujours les écouteurs dans les oreilles, je me prépare méthodiquement. 150 courageux pour un départ 100% nocturne.
Vous voyez la petite lumière sur la bouée ?
Ce sera le seul point de repère pour l’ensemble des bouées de la natation.

3 boucles de 1300m. 6h30 départ donné. Je pars vite comme à mon habitude pour sortir du peloton. Oui mais..je ne vois rien. Je passe mon temps à sortir la tête chercher les petites lumières mais rien n’y fait.
Un kayak est bien présent pour faire la trace, sauf que je ne le vois pas non plus… Je vois à chaque changement de direction que j’ai pas mal d’avance, et je sors de l’eau en 51 minutes.
Une transition réglée comme du papier à musique. J’en profite pour répondre au photographe qui me félicite pour ma natation.

« Tu vois la montagne là haut, c’est la bas qu’on va ! »

C’est parti pour le vélo. Je sais que j’ai environ 5 minutes d’avance sur les poursuivants, j’ai ma moto ouvreuse. Une belle matinée s’annonce.

Premier col, je regarde le Garmin : le capteur de puissance trop haut, le cardio beaucoup trop haut. Et je repense à Tom Boonen « sometimes you don’t need a plan, you just need big balls »!
Alors je change de page sur le compteur et ce sera uniquement une vue sur le déniv et le pourcentage. Les kilomètres défilent, et arrive le premier monstre de la journée. Arrivé au col de la Descarga, environ 1km avant le refuge au sommet, je suis repris par le futur vainqueur. Et à ce moment là, les jambes de Pogacar, c’est lui qui les a. Moi, ce serait plutôt Sam Bennett en haute montagne. J’apprendrai par la suite que c’est une machine locale, plusieurs fois hawaïen. Bref un autre monde.
Bascule au sommet, on redescend par la même route. Je me fais des petits écarts dans la tête. Ok le 3e est là, 4/5 la, ensuite y’a d’la marge.

Les kilomètres continuent de défiler et grâce à mon plan imprimé, je sais parfaitement ou j’en suis.

110e km, je me fais doubler, échange 2/3 mots d’encouragement avec le concurrent. Bonne ambiance !
120e km, ravito perso, au pied du col d’Ares. Cannette de coca vidée dans une gourde et ça repars. Et…je suis collé. Ce col me paraît interminable. La route est large, ça ne défile pas! Et puis mon braquet n’est pas des plus adapté : 52/36-11/28… même tout à gauche, ça fait mal dans du 8-10%!13km de souffrance mais toujours personne derrière moi, ça permet de rester dans la course.Demi tour au sommet, je refais mes écarts: 4/5 à peu près à 5 minutes, derrière c’est loin. Tout va bien. Globalement descente ou faux plat jusqu’à T2, ça avance assez bien! Je stoppe le garmin 100m avant: il m’annonce…4 jours de recup! Problème, j’ai un marathon avant.
T2 ou je prend le temps de bien faire les choses. J’enfile mon sac de trail pour avoir mes gourdes, gels à proximité, et c’est parti.
La première boucle de CaP n’est pas compliqué : 10.5km de montée et 600m de D+, puis la même en descente. J’alterne marche/ course dans la montée et voilà que je me fais doubler : un espagnol qui va plus vite dans cette montée que je ne vais en descente… il finira d’ailleurs 2e grâce à un super marathon. 
Petit coup au moral, j’attaque la descente et profite pour discuter avec un concurrent du half quelques kilomètres avant qu’il ne ralentisse.17ème km, une fontaine, je m’arrête. Et un autre concurrent du full arrive. Voyant bien la différence d’allure, je lui laisse la place à la fontaine et l’encourage. 
Je repars, me refais doubler, passe 6e. Le cerveau ne suit plus, donc les jambes non plus.. Km21, une petite boucle de 5km plutôt roulante et pourtant j’alterne marche et course. Je ne suis plus dans la course… on passe devant l’arrivée et la dernière difficulté du jour arrive : environ 8km de montée 100% trail – 8km de descente sur route.
Et je marche, et je marche.. impossible de courir. Finir 6e-8e-10e.. a ce moment là, n’a plus aucune importance.C’est non sans difficulté que j’arrive au sommet, bascule sur la route. La pente est telle qu’il suffit de mettre un pied devant l’autre pour être à 11 à l’heure.
La ligne d’arrivée est là, pourtant, je n’arrive pas à la savourer.
Ce marathon réalisé en 4h45 me laisse un goût amer. 13h01 d’effort et je sonne la cloche d’arrivée. On m’annonce 7e. Tient, mon cerveau était visiblement sur une autre planète quand le 6e concurrent m’a doublé.

Ravitaillement d’arrivée ridicule. Un sac avec une banane, une part de 4 quarts et une quiche. Heureusement, il y a bière à volonté. Je vais donc récupérer en liquide !
À chaud, je me disais qu’ils ne me reverraient pas.Après quelques jours, je me dis..j’y retournerai, préparé pour un marathon aussi dur.
Ce n’est pas une épreuve à prendre à la légère, il faut y être réellement préparé car cela peut vite devenir un chemin de croix. Mais cette épreuve, totalement hors norme, plaira aux plus fous!